
Sur le chemin de l’école
Mercredi dernier, je me lance: je sors de la maison, et je vais au Collège des Frères, situé près de New Gate. Qui sait? Ils ont peut être besoin d’aide pour des cours de français ? Ce serait pour moi l’occasion de rencontrer des jeunes et des collègues de ce pays, tout en me rendant utile, en cette période si particulière. J’entre sous le porche de cette belle bâtisse du 19e siècle érigée sous l’empire ottoman par les Frères des Ecoles Chrétiennes. Des élèves du 6 à 18 ans, en uniforme, se retrouvent par petits groupes dans la cour de récréation. Le Frère Daoud Kassabry qui dirige l’établissement m’accueille dans son bureau. Il parle français, et semble très intéressé par ma proposition. A peine dix minutes après l’avoir quitté, la coordinatrice de français pour les écoles chrétiennes, Sœur Silouane, m’appelle et se montre très enthousiaste: Quelle aubaine pour nous, me dit-elle . Oui, venez jeudi, vous pourrez participer au cours de cuisine en français.
Voilà un projet qui me remotive ! Je commençais à m’interroger sur le sens de ma présence ici, dans cette ville désertée par les touristes, et menacée par la violence de la guerre. Mais, là, le seul fait de voir une perspective s’ouvrir du côté du monde de l’éducation, me redonne de la joie ! Participer à la promotion de français dans une école chrétienne qui accueille des élèves aussi bien musulmans que chrétiens!
Le lendemain, dès 7h30, je m’engage donc sur le chemin de l’école.
Quand je ressors, à midi, j’ai un mal de tête terrible ! Je n’ai jamais vu des enfants aussi agités et bruyants. L’animatrice, Noëlle, une femme d’une cinquantaine d’années, fait venir des demies classes (15 élèves) pour une séance de cuisine dans une salle de classe bien aménagée, mais quel bazar ! La plupart sont désintéressés, soit par la cuisine, soit par l’exercice de répéter les mots des ingrédients du cup-cake en français ! Les élèves crient, montent sur les tables, s’interpellent, se saisissent des ustensiles de cuisine, jouent à s’attraper… et quand la silhouette noire du directeur se dessine au seuil de la porte, le silence revient subitement. Noëlle saisit l’occasion pour hurler des remontrances, puis, la figure de l’autorité étant repartie surveiller d’autres classes, le brouhaha gonfle à nouveau. A la fin de la matinée, Noëlle est exténuée: « c’est toujours comme ça ! Surtout les arabes ( elle veut dire les musulmans, car elle-même est chrétienne), ils sont mal éduqués! Moi j’habite dans un quartier juif. Là-bas, les enfants sont disciplinés, les rues sont propres » m’explique -t-elle. Puis elle me fixe du regard, et continue : » Et après, ils demandent la liberté ? Pour quoi faire, la liberté! hein! Pour quoi faire ? Ils ne savent pas éduquer leurs enfants! » Ces propos me glacent. Sait-elle seulement que si les quartiers musulmans sont effectivement plus sales, c’est parce que le gouvernement israélien ne donne pas de budget pour l’entretien des villes arabes. A-t-elle remarqué que les enfants « mal éduqués » étaient aussi des enfants chrétiens ? Je n’ai qu’une envie: partir d’ici au plus vite.
Dans les couloirs, je croise le frère Daoud: » Venez mercredi. Nous avons une réunion avec la coordinatrice et Abeer, la professeur de français. » J’accepte car je ne veux pas en rester là. Il y a sûrement des jeunes qui veulent approfondir le français, et avec lesquels je pourrais échanger…


Oh merci Malau ! Que tu écris bien ! C’est génial de te lire 👍
Bises et hâte à la suite !!
C est délicieux de te lire Malo. Je t’imagine tellement bien au milieu de cette classe chaotique et ton étonnement ou plutôt ton gros énervement face aux propos de Noëlle. Allez on veut la suite. Mieux qu’une série tout ça!
Tu as bien raison ! Peut-être que ton destin te réserve une surprise auprès de ces élèves….
Ton post du jour me rappelle ce proverbe arabe :
» Ce qui est passé à fuit, ce que tu espères est absent mais le présent est à toi. »
Courage