
Feu sacré
« Qui est intéressé pour aller à la cérémonie du feu sacré. Je peux vous avoir des places. Dites le moi rapidement. » Par ce message sur notre groupe whatsapp, notre sœur de communauté éveille ma curiosité. Je n’ai aucune idée de ce que c’est. Mais je veux aller voir ça, surtout si les places sont distribuées au compte goutte et que le feu sacré serait d’origine miraculeuse!
https://fr.wikipedia.org/wiki/Feu_sacr%C3%A9_(Saint-S%C3%A9pulcre) !
Nous sommes pendant le week-end de la Pâques orthodoxe. Les portes de la vieille ville sont barrées. Rendez-vous est donné à 9h30 devant la Porte Neuve, où nous attendons la personne qui doit nous donner le précieux sésame: un bracelet de papier jaune fluo. Sans ce laisser-passer, vous êtes priés de rebrousser chemin. Cela dit, de grands panneaux souhaitent une bonne fête de Pâques à tous les chrétiens. Accompagnés de cette amie, nous passons plusieurs check-point, où, nous devons montrer patte blanche ( enfin, plutôt jaune ).
Les gens commencent à affluer au St Sépulcre. Nous avançons autant que possible pour être au plus près du tombeau du Christ. J’apprends que nous sommes dans la partie réservée aux orthodoxes russes et roumains. En effet, le saint Sépulcre est compartimenté par des frontières invisibles. Il y a la carré des éthiopiens, celui des arméniens, celui des latins, celui des orthodoxes… Je m’y perds un peu.
Alors commence ce qui sera une longue attente. Il est 10h30, et je ne sais pas encore qu’il va falloir attendre debout dans la foule jusqu’à 14h. Au fil du temps, la foule devient de plus en plus compacte. Une petite dame orthodoxe cherche à se faufiler pour se rapprocher du saint des saints. On la rabroue, car elle pousse tout le monde. L’ambiance rappelle étrangement celle d’un stade de foot avant un grand match. Sauf que les huées ne sont pas en faveur d’une équipe, mais d’un événement, celui de la venue du feu, qui représente la victoire du Christ sur la mort. Certains ont apporté leur petite chaise pliante. Des chips ou des pâtisseries circulent de main en main. Et on attend. On discute. Parfois une nuée de téléphones se dressent: il y a quelque chose à voir ? Il se passe quelque chose autour du tombeau ? C’est quoi ? On m’explique que les prêtres font une procession autour du Saint Sépulcre trois fois. Je prends la photo comme tout le monde pour être sûre de ne rien manquer !
Vers 13 h on voit apparaître au balcon les franciscains qui gèrent le lieu, accompagnés de quelques officiels. Je reconnais le Consul de France. C’est le signe que le moment tant attendu va bientôt arriver. Mais qu’est-ce que j’attends au fond? N’ai-je agi jusqu’ici que par mimétisme ?
Ca y est. Les prêtres ont fini leur procession. Maintenant, l’un d’eux va pénétrer dans le Saint Sépulcre pour en ressortir avec la flamme de la résurrection. Des cris. De la fébrilité. Je vois des lumières, mais c’est une forêt de téléphones portables allumés. Il va falloir tenir son téléphone d’une main, et sa torche de l’autre? Je préfère ranger mon téléphone, bien décidée à vivre l’événement plutôt qu’à le filmer. Sous les huées, le feu se propage de torches en torches au dessus de nos têtes. Nous sommes tellement serrés les uns contre les autres, avec tout ce feu autour de nous au bout des mains que je n’ai qu’une seule pensée: sortir d’ici au plus vite. La fumée s’épaissit peu à peu, la chaleur commence à se faire sentir, la cire brûlante coule sur mon bras.
A l’air libre, je reprends une grande respiration. C’est donc ça le miracle: il n’y a aucune panique dans la foule, pas d’incendie, pas de malaises. La foule se dilate avec calme pour ressortir de la vieille ville. J’attends mes compagnons d’aventure. Et je reste méditative sur ce feu, qui est l’objet d’une telle attente.
Pendant ce temps, en France, c’est un autre feu qui transporte les foules. La flamme olympique est attendue ce week-end à Marseille. Autre rituel, autre religion…