
Noël
Bethléem: dans notre imaginaire chrétien, c’est là qu’il faut être au moins une fois dans sa vie pour fêter Noël. La grotte de la Nativité, où Jésus est né, les Mages qui sont venus l’adorer, les bergers qui ont vu l’étoile… Toutes ces scènes mythiques se sont déroulées là, à Bethléem et dans les alentours.
Deux jours avant Noël, nous ne savons pas encore si le check-point sera ouvert. Nous attendons l’issue des négociations du patriarcat latin avec les autorités. Depuis le début de la guerre, le ton est donné par l’église locale: il n’y aura pas de festivités, pas de sapins ni d’illuminations, pas de fanfares ni de musiques dans les rues.
La veille nous avons la confirmation que l’entrée de la ville sera accessible exceptionnellement ce jour-là pour cette fête chrétienne.
C’est sous une pluie fine et froide que nous découvrons la Place de la Mangeoire où est disposée une crèche géante: les personnages grandeurs nature sont complètement noirs, entourés de parpaings brisés et de barbelés. C’est Gaza qui est dans tous les esprits. Sur une petite estrade se succèdent des représentants politiques ou religieux qui appellent à un cessez-le-feu immédiat et à la libération de la Palestine. Un immense drapeau palestinien est tenu à bout de bras comme si on voulait poser une grande nappe sur le place. La fête chrétienne est devenue un enjeu de revendications politiques. L’atmosphère est empreinte de gravité.
Nous cherchons les pèlerins… mais ce sont des officiels et des clercs locaux qui occupent les lieux, ainsi qu’une foule de journalistes et de photographes.
Nous sommes interpellés par des journalistes. Pourquoi venir spécialement à Béthléem cette année ? Que signifie cette fête pour vous ? Prise de court, je bafouille quelques mots sur la paix à accueillir en nous… Nos amis nous dissuadent de répondre davantage aux questions des journalistes. Nos propos pourraient être mal interprétés et compromettre notre séjour.
En temps « ordinaire », la queue pour accéder à la grotte de la Nativité est telle, qu’il faut patienter trois heures en moyenne. Ce jour-là, la voie est libre et nous pouvons y rester un long moment. Comment prier ? Je reste aussi froide que cette pluie, et comme sonnée par le contraste troublant de ces deux réalités: c’est Noël à Bethléem… et c’est la guerre en Palestine.
C’est plus tard dans l’après midi, lorsque nous nous retrouvons à la nuit tombée dans une des grottes du champ de Bergers, que je retrouve un peu de consolation. Messe de la Nativité, on ne peut plus simple et sobre. (Nous sommes dix: 5 Servain et 4 religieuses et un prêtre.) L’Amour se propose à nous à travers ce nouveau-né. Qu’allons-nous en faire ?